STÉRÉOCHIMIE - Stéréochimie et liaison chimique

STÉRÉOCHIMIE - Stéréochimie et liaison chimique
STÉRÉOCHIMIE - Stéréochimie et liaison chimique

Bien qu’usuellement développée à partir de résultats expérimentaux, la stéréochimie entre dans le cadre général de la théorie de la liaison chimique et, de ce fait, peut recevoir un support théorique.

Une remarque préliminaire est cependant nécessaire. La géométrie d’une molécule est essentiellement conditionnée par son énergie. Or, celle-ci est attribuée à l’édifice dans son ensemble, si bien que les règles de base de la stéréochimie, qui sont pour la plupart fondées sur les interactions entre les diverses parties, plus ou moins étendues, de la molécule, ne pourront trouver une justification théorique que dans la mesure où il sera possible de découper la molécule en fragments tels que l’énergie totale apparaisse, en première approximation, comme la somme des énergies de ces fragments, quitte à corriger cette énergie par des termes dits d’interaction. La stéréochimie est par là même étroitement liée à la description qu’on envisagera pour la molécule.

1. Localisation des paires d’électrons

Pour étudier la localisation des paires d’électrons dans les molécules, on se placera dans le cadre de la méthode des orbitales moléculaires. Dans cette dernière, les électrons sont associés par paires, de spins antiparallèles, sur des niveaux moléculaires décrits par des fonctions d’onde, appelées orbitales moléculaires . Pour ces fonctions, on utilise des combinaisons linéaires orthonormées de fonctions susceptibles de décrire les électrons dans les atomes isolés. Les coefficients de ces fonctions sont déterminés de façon que l’énergie totale du système soit minimale. La densité électronique qui correspond à chaque paire d’électrons est répandue sur toute la molécule.

En principe, toute base de fonctions atomiques convient pour construire les orbitales moléculaires. Mais, comme une base complète est infinie et que dans la pratique on ne peut introduire qu’un nombre restreint de fonctions, le problème de la dimension de la base se pose d’une façon aiguë. Il est cependant évident que, pour obtenir une précision donnée sur l’énergie, le nombre de fonctions atomiques à introduire dépendra fortement du type de fonctions utilisées. Plus celles-ci se rapprocheront de la solution exacte, moins grand sera le nombre de fonctions à introduire. Or, le champ de force auquel est soumis un électron dans une molécule au voisinage de chaque noyau est très voisin de celui auquel il serait soumis si cet atome était isolé. Autour de chaque noyau, les fonctions moléculaires s’identifient pratiquement aux fonctions atomiques exactes, et l’on aura intérêt à choisir pour base de développement les fonctions ou orbitales atomiques relatives aux atomes isolés.

D’autre part, le calcul montre que, dans la plupart des cas, seules les orbitales atomiques utilisées par les électrons dans l’état fondamental des atomes isolés, ou celles d’énergies très voisines, entrent dans l’expression des orbitales moléculaires avec un poids notable, si bien que l’on peut obtenir une description très convenable des molécules en se contentant de cette base tronquée, dite minimale . Par exemple, pour l’atome de carbone, on introduira seulement les orbitales 1s , 2s , et 2p .

Une fois la base de développement choisie, la minimisation de l’énergie fournit un jeu d’orbitales moléculaires 﨏 orthonormées qui n’est pas unique. En effet, toute combinaison linéaire orthonormée 﨏 de ces fonctions convient, si toutes les orbitales moléculaires initiales 﨏 correspondent à des niveaux doublement occupés, ce qui est en général le cas. En effet, l’énergie et la densité électronique totales ne sont alors pas modifiées, bien que les densités électroniques relatives aux paires d’électrons prises individuellement le soient.

Profitant de cette indétermination sans incidence physique, on peut remplacer les fonctions 﨏 obtenues par des combinaisons telles que les densités électroniques soient concentrées le plus parfaitement possible, soit autour d’un noyau, soit entre deux noyaux, au lieu d’être répandues sur toute la molécule comme lorsqu’on développe chaque fonction 﨏 sur l’ensemble des orbitales atomiques. Il en résulte que, utilisant d’une part la base minimale et d’autre part formant des combinaisons 﨏 convenables, on retrouve la description classique des molécules avec les couches internes des atomes, reconstituées, donc ne participant pas aux liaisons, les paires localisées entre deux noyaux assurant la liaison entre ces derniers et correspondant aux tirets de la graphie classique, et enfin, éventuellement, les paires libres non liées portées par certains atomes. Ainsi on pourra parler, dans le cas de la molécule de méthane CH4, des électrons 1s de l’atome de carbone et des quatre liaisons C 漣H; de même, dans l’ammoniac NH3, on pourra parler des trois liaisons N 漣H et de la paire libre portée par l’azote.

Une telle description n’est cependant qu’approchée, car la localisation n’est pas parfaite. L’énergie totale n’est pas rigoureusement la somme des énergies attribuées à chaque paire localisée. La différence entre l’énergie totale et cette somme peut être considérée comme provenant de la non-indépendance de ces fragments. Dans la mesure où la localisation est bonne, cette différence est faible et apparaît alors comme une simple correction que l’on peut découper en somme de termes d’interaction entre couples de paires localisées. On dira qu’il y a interaction entre deux liaisons ou entre une liaison et une paire libre. Mais il est fondamental de noter que les forces ainsi introduites, bien que commodes pour interpréter l’existence de conformations préférentielles pour des molécules comme l’éthane, n’ont en fait aucun sens physique.

D’autre part, dans certaines molécules, toutes les paires d’électrons ne sont pas simultanément localisables. Dans le benzène, par exemple, en plus des électrons des couches internes et de ceux des liaisons C 漣H et C 漣C qui assurent la cohésion de la molécule, restent six électrons, soit trois paires, non localisables sur les atomes de carbone, formant un nuage annulaire symétrique autour de ceux-ci, et conférant à la molécule un caractère très particulier [cf. AROMATICITÉ].

2. Hybridation des orbitales

Le remplacement des fonctions 﨏, construites sur les orbitales atomiques 﨑 des atomes isolés, par des combinaisons linéaires 﨏 , est équivalent du point de vue formel à la construction d’orbitales moléculaires directement à partir d’orbitales atomiques 﨑 , combinaisons linéaires des orbitales initiales 﨑. Ces nouvelles orbitales, appelées hybrides , ne possèdent plus les éléments de symétrie des orbitales s , p , d , ..., appropriées aux problèmes atomiques, mais reflètent au contraire la symétrie générale de la molécule dans laquelle elles sont engagées. En particulier, les liaisons étant assurées désormais par des couples de telles orbitales, la densité électronique de chacune d’elles est concentrée le long de la ligne joignant le noyau porteur de cette orbitale au noyau voisin avec lequel il est lié. Par exemple, dans le méthane, les quatre orbitales non équivalentes 2s , 2p x , 2py et 2 pz du carbone peuvent être remplacées par quatre hybrides de même nature dont la densité électronique sera concentrée en avant de l’atome de carbone dans la direction de l’hydrogène correspondant. On retrouve ainsi la notion classique de valence dirigée , essentielle à la conception de la stéréochimie.

Reliée à la symétrie de la molécule, la notion d’hybridation permet de classer les divers types de structure moléculaire: hybridation sp 3, comme dans le méthane, avec quatre directions de valence dans l’espace; hybridation sp 2, comme dans les molécules planes, avec trois directions de valence coplanaires et une quatrième orbitale 2 p pure, d’axe perpendiculaire au plan de la molécule; hybridation sp dans les molécules linéaires avec deux orbitales non hybridées; hybridation sp 3d 2, comme dans les complexes des éléments de transition avec six directions de valence, etc. Cependant, il est important de remarquer que la prévision du type de structure ne peut être faite qu’à partir de considérations énergétiques et que les déductions intuitives conduisent parfois à des conclusions erronées. Rien n’assure, par exemple, que lorsqu’un atome est lié à quatre atomes de même nature, les quatre liaisons sont équivalentes. C’est vrai pour des molécules construites à partir d’un atome central léger comme le carbone (CH4, CCl4, etc.) mais inexact pour des atomes très lourds comme le thorium, l’uranium (ThCL4, UBr4, etc.). L’hybridation, ou, ce qui revient au même, la structure la plus symétrique, ne correspond pas nécessairement à l’édifice le plus stable. Toutefois, cette proposition est valable pour la plupart des molécules envisagées en chimie organique, d’où son utilité.

3. Système à nombre impair d’électrons

Considérons par exemple l’ion CH+4, dérivant de la molécule de méthane par arrachement d’un électron. La cohésion de l’édifice n’est plus assurée que par sept électrons au lieu de huit. Dans ce cas, la localisation des électrons par paires n’est plus possible, à moins de détruire la symétrie de l’édifice. L’ion n’est plus représentable par la graphie classique. En revanche, pour l’ion NH+3 qui dérive de NH3, l’arrachement d’un électron se faisant à partir de la paire libre, les trois liaisons N 漣H sont respectées.

La même difficulté se présente pour les états électroniquement excités des molécules, même si celles-ci ont un nombre pair d’électrons, car apparaissent alors des niveaux simplement occupés.

La stéréochimie classique est donc une manière soutenable, du point de vue théorique, de concevoir, avec quelques approximations, la structure des molécules, commode pour l’expérimentateur aussi bien que pour l’enseignant lorsqu’on veut éviter d’aborder le problème du point de vue mathématique d’une façon détaillée. Mais elle ne présente pas un caractère absolu. Seule la considération de l’édifice moléculaire dans son ensemble a un sens.

4. Détermination théorique de la structure

L’approche la plus usuelle de ce problème se fait dans le cadre de l’approximation de Born-Oppenheimer qui ramène le problème à celui du mouvement des noyaux dans le potentiel moyen créé par les électrons de la molécule. La position d’équilibre des noyaux – donc la géométrie de la molécule – est déterminée par le minimum de l’hypersurface-potentiel correspondante. Si la surface présente plusieurs minimums, à chacun d’eux correspond un isomère. La facilité de conversion d’un isomère à l’autre dépend de la différence entre les énergies des deux formes (naphtalène-azulène pour C10H8, par exemple) et de la hauteur de la barrière de potentiel qui sépare les deux formes. Dans le cas d’énantiomères, les énergies électroniques sont égales, les deux formes sont également probables, oscillant plus ou moins rapidement entre elles (10-12 s pour une amine, plusieurs mois pour une arsine, plus de 104 ans pour un acide aminé). En fait, la rupture de parité due aux interactions faibles fait apparaître une très légère différence d’énergie entre les antipodes: 10-14 J par mole d’acide aminé. Cette très faible différence pourrait expliquer la légère prépondérance du quartz gauche sur le quartz droit (1 p. 100) ainsi que, par effet dynamique, l’exclusivité des acides aminés de la série L dans les être vivants.

Encyclopédie Universelle. 2012.

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